- Exercice sur la conduite de l’entretien (chapitre 3)

Les verbatims présentés ici sont issus d’un corpus d’entretiens constitué à l’hiver 2010 par quatre étudiants inscrits en deuxième année à Sciences Po Grenoble : Joubran Cheni, Mathieu Dejean, Romain Lantheaume et Etienne Maure. Leur enquête qualitative portait sur la manière dont les acteurs locaux et les habitants de la Villeneuve perçoivent l’évolution des conditions de vie dans leur quartier.

La Villeneuve est un quartier populaire de Grenoble. Il a connu en juillet 2010 trois journées d’affrontements et un véritable état de siège policier, après la mort de Karim B., tué au cours d’un échange de tirs avec la Brigade Anti-Criminalité à la suite du braquage d’un casino. L’un des intérêts – mais aussi l’une des difficultés – de cette enquête tient au profond sentiment d’injustice, développé par plusieurs habitants face à un traitement médiatique des « événements » qu’ils disqualifient volontiers comme stigmatisant.

Comment, dans ces conditions, aller sur le terrain et nouer un premier contact avec des interviewés potentiels ? Comment l’enquêteur peut-il éviter d’être confondu avec un journaliste ? De même, comment sélectionner les acteurs pertinents pour cette enquête ? Quel usage faire ici des ressources documentaires et journalistiques ? Plus encore, comment recueillir de la part des enquêtés une information fiable sur les conditions de vie à la Villeneuve, si l’un des enjeux implicites de l’interaction d’enquête est pour eux de dénoncer l’imposition d’un stigmate construit par certains médias ?

Accéder au terrain

Voici en quels termes les étudiants ont posé le problème de la prise de contact et de la relation de confiance avec les interviewés. L’immersion accompagnée d’observation participante a constitué pour eux une voie d’accès privilégiée au terrain :

« Compte tenu des événements de cet été et de l’effervescence médiatique qui s’est concentrée à la Villeneuve, on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que la prise de contact et l’établissement d’une relation de confiance avec les enquêtés soient délicats. D’autant plus que (…) le début de nos enquêtes coïncidait avec la diffusion du magasine « Pièces à conviction » sur France 3, intitulé « Enquête au cœur de l’ultraviolence », consacré en partie à la Villeneuve, et qui a suscité la colère des habitants du quartier. Nous avons donc du nous adapter à ce contexte particulier, et élaborer des stratégies d’approche du terrain.

Pour éviter d’être assimilés à des journalistes, nous avons pris le parti de nous fondre dans le quartier, en assistant à des événements associatifs – qui ne manquent heureusement pas à la Villeneuve – et en rencontrant directement les habitants plutôt qu’en les contactant indirectement.

Cette méthode s’est avérée efficace, car elle privilégie la participation active à la vie du quartier plutôt que le rapport distant. Or la notion de participation a une histoire dans le quartier de la Villeneuve, et fait partie de son identité profonde, comme nous l’avons constaté dans nos entretiens. De plus nous avons ainsi noué le pacte d’enquête sur une base concrète de don / contre-don. En effet nous avons d’une part prouvé par notre présence et notre participation à certaines activités la sincérité de l’intérêt que l’on porte au quartier – à un moment où les militants associatifs apprécient la venue de personnes extérieures. Et d’autre part les enquêtés ont trouvé un intérêt à réaliser l’entretien, soit parce que nous avons conclu un « deal » avec eux (faire de la com’ pour certains événements associatifs), soit parce que notre démarche leur semblait motivée par de bonnes intentions.

Notre présence était dans les deux cas perçue et voulue comme un gage d’honnêteté vis-à-vis des enquêtés. Le fait que nous nous soyons immergés dans le quartier n’est peut-être pas non-plus étranger au succès de nos demandes d’entretiens : l’un des enquêtés pensait même que nous habitions le quartier (il s’est étonné que nous n’ayons pas le badge pour entrer dans l’immeuble où devait avoir lieu l’entretien), ce qui peut être un critère de confiance. »

Sélectionner les interviewés

Pour définir un profil pertinent d’interviewés, les étudiants se sont appuyés sur une typologie des trois acteurs historiques du quartier. La typologie est justifiée ainsi : « La Villeneuve a été conçue au début des années 1970 sous l’impulsion du maire socialiste de l’époque: Hubert Dubedout. C’est un écoquartier (on n’y circule qu’à pieds), qui repose sur un certain nombre de principes fondamentaux constitutifs de son identité particulière : l’écologie, la mixité sociale, l’autonomie en termes de services, une pédagogie éducative expérimentale, et la participation des habitants à la conception de ce quartier, en lien avec la municipalité.

C’est donc la coopération de trois acteurs qui a contribué à la naissance de la Villeneuve. Notre corpus est constitué de représentants de ces acteurs ; c’est pourquoi nous allons d’abord tenter de déterminer ce qui les anime encore aujourd’hui, et quel regard ils portent sur la Villeneuve, et sur eux-mêmes. »

Intégrer la recherche documentaire dans le guide d’entretien

Une autre question méthodologique s’est posée : comment utiliser au mieux le matériau journalistique disponible ? Une stratégie courante est de solliciter l’enquêté sur l’un de ses sujets d’intérêt, en partant d’un thème dont la recherche documentaire nous aura appris qu’il rejoint ses préoccupations ou son histoire personnelles, sa vie familiale ou ses loisirs, ses intérêts économiques ou politiques, etc.

C’est ce type de choix qui a été fait ici. Le guide d’entretien invitait par exemple un responsable associatif du quartier à réagir aux propos d’un élu local : « Les médias ont beaucoup parlé des problèmes de sécurité à la Villeneuve. Récemment, Jérôme Safar (premier adjoint au Maire de Grenoble, en charge notamment de la prévention et de la sécurité) déclarait que les problèmes venaient d’une minorité de personnes, et que la délinquance était surtout liée aux trafics de drogue. Qu’en pensez-vous ? Y-a-t-il, selon vous, des problèmes de sécurité à la Villeneuve?

[réponse du tac au tac] Oui. La preuve on a des digicodes dans tous les coins. Y’a des problèmes de sécurité. Ils ne sont pas liés qu’aux problèmes de drogue. A mon avis, c’est une fausse analyse. C’est une analyse extrêmement dangereuse, de faire l’amalgame entre les problèmes de sécurité et les problèmes de drogue. Les trafiquants de drogue n’ont absolument aucun intérêt à ce qu’il y ait des voitures qui brûlent. Parce qu’ils ont simplement pas intérêt à ce qu’il y ait les flics qui viennent, par rapport au petit trafic, qui est le leur.

Alors y’a des petits trafics parce que y’a des problèmes éducatifs au niveau des enfants, et des jeunes. Tu sais comment ça fonctionne un trafic hein, faut lire le bouquin de Cono…Cono…Machin-là…j’ai oublié son nom…ConoCono… Bref, peu importe: extrêmement intéressant, qui décrit… Même Luc Bronner dans son bouquin sur le ghetto il décrit extrêmement bien la montée des réseaux de drogue.

En fait, je crois qu’il y a plusieurs strates de niveau de délinquance. Y’a des gamins, qui font les cons, qui sont parfois en échec scolaire et qui sont récupérés sans-doute par le réseau de trafiquants ou de petit trafiquants. Y’en a qui y vont, y’en a qui n’y vont pas. Ceux qui y vont, ils sont dans la deuxième catégorie. Mais les mecs qui ont cassé, les cinquante gamins qui ont cassé le soir du mois de Juillet, je ne suis pas sûr (je ne peux pas le prouver), je ne suis pas sûr que ce soit des gens qui sont liés au trafic de drogues. Les gens qui sont liés au trafic de drogue n’ont absolument pas intérêt à aller aux bastons avec les flics aujourd’hui. C’est évident.

Exemple, bien connu : le quartier de l’Alma-gare est une plaque tournante de trafic de hash sur Grenoble. Sur le centre-ville, y’a pas une voiture qui brûle. Jamais. C’est une toute petite unité. Par contre c’est une plaque tournante de trafic. Alors la délinquance c’est entre-soi que ça se fait. La violence… Les dealers sont dans une situation de violence terrible. C’est des trucs de fous quoi. C’est des métiers de fous ça. Il faut planquer la came, il faut faire attention aux flics, il faut trouver des clients, il faut faire attention au mec à qui on a acheté… Enfin j’veux dire c’est des gens qui sont dans une situation… Alors, qui s’arment, effectivement, et je pense que les armes rentrent par le trafic de drogue. Et puis après ça déborde.

Alors y’a la petite délinquance de gamins qui sont désœuvrés, qui sont exclus de tout, qui n’ont plus de structure familiale, éducative, qui font les cons dehors: les mob’, les machins. Y’a les trafiquants, qui pour moi sont passé à autre chose. Et puis après y’a le grand banditisme qui n’habite pas là. Y’a trois strates comme ça. On a fait – et le mois de Juillet a servi à ça hein – à faire l’amalgame. Et c’est extrêmement grave. Parce qu’on traite pas les problèmes des petits mecs avant qu’ils ne tombent dans le trafic, comme on traque le problème des trafics – du trafic. Et là je pense que y’a un amalgame qui s’est fait, qui est une démarche politique volontaire.

Que Safar relaie ce propos… Moi je l’ai entendu dire autre chose des fois, mais bon… Enfin moi personnellement je suis assez…je pense que c’est plus compliqué que ça. C’est pas uniquement le trafic qui créé la délinquance. La délinquance c’est aussi l’échec scolaire, c’est aussi le manque de repère familial, les parents – qui sont quelques fois la génération des quarante ans – qui sont aussi passés par la consommation de drogues ».

La même question, posée à une autre élue locale, suscitera une analyse moins nuancée :

« Tout d’abord, je pense que Jérôme Safar a raison, c’est-à-dire que les très gros problèmes de sécurité liés au grand banditisme donc avec notamment vol à main armé donc tous les trucs comme ça ça concerne une petite partie vraiment, on va dire quelques personnes. Par contre, ce qu’il y a depuis très longtemps à la Villeneuve et ça c’est sur, mais comme dans d’autres quartier y compris dans des quartiers un peu bobo, mais par contre là ils font ça différemment ou on ferme plus facilement les yeux. Mais il y a des trafics de drogue importants et  de drogue on va dire que  beaucoup de personnes consomment quelque soit la catégorie sociale j’ai envie de dire. Donc qu’est ce que ça produit ? Ca produit des regroupements de jeunes en bas des montées donc qui dérange, qui avec la tension montant, avec l’alcool au fur et à mesure de la soirée sont de plus en plus désagréables voire on voit des incivilités ou de la petite délinquance auprès des habitants de la montée. Et donc ça crée ce sentiment aussi d’insécurité de la part des habitants ».

Tenir un journal de bord

Il est toujours utile, à la manière du carnet de terrain tenu par l’ethnographe, de constituer un journal de bord. L’enquêteur y consignera un ensemble d’éléments factuels ou d’observations à caractère ethnographique susceptibles de l’aider à raffiner ses analyses ultérieures, et notamment à enrichir son interprétation des entretiens.

Voici le journal de bord tenu par les étudiants (plusieurs noms et lieux ont été anonymisés pour préserver l’anonymat des interviewés). On y voit un effet « boule de neige » dans la prise de contact : les entretiens avec le régisseur de quartier et l’ancien conseiller municipal sont négociés sur le terrain grâce à l’interconnaissance des interviewés.

Mais la présence aux réunions de quartier n’a pas simplement facilité la rencontre avec de nouveaux interviewés. Elle a également aidé les apprentis enquêteurs à préciser leur hypothèse de départ sur la surmédiatisation des émeutes et la manière dont cette question était prise en charge par les acteurs locaux.

L’immersion dans la vie du quartier a ainsi permis aux enquêteurs de forger certaines des grilles de lecture qu’ils ont ensuite appliquées aux entretiens. On voit par exemple se dessiner un clivage interne au quartier entre d’un côté les habitants « ordinaires » plutôt démobilisés, et d’un autre côté les acteurs associatifs ou militants impliqués dans la vie locale et fortement investis ici dans une entreprise morale de réhabilitation de l’image du quartier. La bonne acceptation des enquêteurs sur le terrain tient sans doute en partie au rôle de relais d’opinion, de porte-parole qu’ils sont susceptibles de jouer pour les acteurs locaux.

« 1er contact : Mercredi 20 octobre 2010, 19h, nous nous rendons à la réunion de rentrée de la MDH (Maison des Habitants), dans le but de rencontrer le président de l’association, que nous avions pu écouter une première fois dans le cadre d’une conférence organisée par (…). Lors de cette réunion nous constatons plusieurs choses :

- d’abord, la moyenne d’âge des personnes présentes (environ 20) est élevée: lorsqu’elles se présentent, on s’aperçoit qu’il s’agit principalement de retraités, habitants du quartier, déjà impliqués dans le milieu associatif (…), ou ayant exercé une profession dans le domaine éducatif ou social (enseignants, travailleur à Pôle Emploi, médecin…). Certains intervenants déclarent être revenus sur le quartier une fois à la retraite, car ils y sont fortement attachés et en gardent un bon souvenir.

- les seuls « jeunes » qui assistent à la réunion sont quasi-exclusivement venus de l’IEP (…), donc extérieurs à la Villeneuve, sauf un : Arthur, étudiant en (…) et habitant du quartier, qui veut faire partie du CA.

- lorsque le président de l’association présente les projets pour cette année, il évoque le « repas de Noël » qui aura lieu en décembre. Il est repris par un des participants qui corrige: « repas de fin d’année ». Le président de l’association reconnaît son erreur et convient de cette appellation. Le but étant bien sûr de rassembler tous les habitants, donc toutes les cultures, lors de cet événement.

- les débats se focalisent principalement sur les événements de cet été – qui témoignent selon eux d’une dégradation des conditions de vie – et la nécessité d’animer le quartier, de proposer des activités en permanence, de solliciter au maximum la population – et surtout les jeunes, dont on parle beaucoup, et qui constituent une population fragile selon les intervenants.

-les habitants semblent sensibles à l’image de la Villeneuve véhiculée dans les médias. La conversation s’oriente à un moment vers le reportage diffusé sur France 3 quelques jours auparavant (le 18 octobre 2010): il s’agit du magasine « Pièces à conviction », ce jour-là consacré à « l’ultra-violence ». Les habitants sont révoltés, dénoncent une caricature et un travail honteux du journaliste. Ils opposent ce reportage au travail d’enquête d’Hervé Bienfait, qui a recueilli de nombreux témoignages d’habitants pour en faire un livre : Villeneuve de Grenoble: la trentaine, paroles d’habitants (2005). On nous recommande de le lire, de l’emprunter à la bibliothèque de l’Arlequin. Les intervenants sont soucieux du fait que l’on comprenne bien de quoi et de qui il s’agit, car nous ne connaissons pas la Villeneuve. Ils trouvent très positif que des jeunes de l’extérieur s’y intéressent.

Sauf quand, à la fin de la réunion, nous discutons avec une dame de notre projet, et nous avons le malheur de parler d’ « interview ». D’emblée nous expérimentons le phénomène d’« encliquage », puisqu’elle se braque et nous dit qu’elle en a assez des journalistes qui disent n’importe-quoi.

Après nous être défendu en expliquant que notre travail était de nature scientifique et qu’il avait vocation à mieux comprendre, nous allons nous adresser le président de l’association pour lui demander un entretien: il nous donne rendez-vous le 15 novembre 2010, 16h00, Place des Géants.

S’en suit une conversation avec Arthur, qui s’étonne de voir tant de jeunes de l’IEP. Nous lui expliquons le motif de notre présence, et il nous conseille de lire l’article de CQFD sur la Villeneuve, ainsi que celui du Postillon, et d’écouter une émission: « Les murs ont des oreilles ». Nous en prenons note, le président de l’association se joint à la conversation; lui nous conseille « Les pieds sur terre », l’émission de France Culture: nous avons déjà écouté ces émissions sur la Villeneuve et reconnaissons qu’elles sont justes. On prend le numéro d’Arthur.

2ème rencontre : Le 6 novembre, on retourne à la Villeneuve, pour emprunter à la bibliothèque de l’Arlequin le livre de Hervé Bienfait. Puis nous allons faire un tour sur la place du marché, où nous rencontrons le coordinateur de régie de quartier, qui distribue des tracts pour le Mois du développement durable et de la Solidarité à la Villeneuve. Il nous invite à venir le 13 novembre participer à un Apéro « artistes en herbe » avec tous les habitants du quartier. « Et si nous ne sommes pas du quartier? », lui demande-t-on. « C’est encore mieux! » répondent à l’unisson le coordinateur de régie de quartier et un vendeur de fruits et légumes Bio. On lui parle de notre travail: il nous dit que le 13 sera une bonne occasion pour rencontrer des habitants, et prendre rendez-vous avec lui. On fait un « deal » : en échange de cet entretien il nous engage à faire un peu de com’ sur le campus pour l’événement. On repart avec un contact et plein de tracts en poches.

3ème rencontre : « Apéro partagé et artistes en herbe » – samedi 13 novembre, 11h, nous nous rendons au Jardin des Poucets – l’un d’entre nous a amené sa guitare. Encore une fois, la moyenne d’âge est élevée, et la diversité du quartier semble être mal représentée. On prend conscience de la dimension « développement durable » comprise dans l’intitulé: nous sommes dans un potager de quartier dont le composte est alimenté par les habitants et entretenu par les membres de l’association des habitants de la Crique Sud. Le coordinateur de régie de quartier prononce un discours ludique et métaphorique: pour faire un bon composte il faut de la diversité (pelures de légumes, coquilles d’huîtres, racines de brocoli…) – c’est comme le quartier.

Un accordéoniste et un percussionniste ont fait le déplacement. René est content que l’un de nous ait amené sa guitare. On joue quelques morceaux, puis des membres d’une association (« Les mères de famille ») nous racontent quelques histoires sur le thème de l’écologie. Ensuite nous discutons avec les personnes présentes: l’une d’elles, séduite par notre initiative, nous conseille de nous adresser à son mari, ancien conseiller municipal et ancien président d’association. Nous obtenons son numéro de téléphone: il semble préoccupé par la situation du Lycée Mounier. Nous rencontrons aussi Jacques Chignon, membre de l’association ACT, qui nous invite à venir à un café-rencontre le 2 décembre. Une conversation s’engage avec une habitante, et dévie sur la réforme des retraites. Une vieille dame s’emporte contre « Sarko », et s’en va le poing levé en criant « il faut qu’on soit tous contre Sarko ! ».

On constate que dans le petit comité que nous formons l’orientation idéologique est clairement de gauche. On a le sentiment de retrouvé dans les associations présentes à la Villeneuve l’esprit de Mai 68, d’autant plus que nous nous apercevrons plus tard que beaucoup de ces personnes sont originaires de Paris et sont venues à la Villeneuve dans les années 70-80.

4ème immersion : « Enquête au cœur du bastion soixante-huitard » – samedi 20 novembre, 11h, nous nous rendons au Broc’Echange, place du marché de la Villeneuve. C’est l’occasion pour nous de rencontrer l’élue locale, puisque des élus ont été conviés. Nous pensons qu’en négociant directement avec elle, nous obtiendrons plus rapidement notre entretien (ça fait 10 jours qu’elle nous a dit par mail que sa secrétaire se chargeait de trouver un créneau dans son emploi du temps, sans nouvelles depuis).

Il nous apparaît clairement que lors de ces événements, nous recroisons toujours les mêmes personnes. Par exemple, on retrouve l’ancien conseiller municipal, qui nous rappelle qu’on doit se voir pour l’entretien. On retrouve Raphaël l’accordéoniste, qui regrette qu’on n’ait pas amené la guitare. On retrouve aussi Jacques Chignon, qui nous donne des tracts et une affiche pour faire de la com’ sur le campus, à EVE. Le milieu associatif, s’il est très actif, semble être un cercle fermé: même les événements festifs qu’ils organisent n’attirent pas l’ensemble des habitants. En même temps on constate que la Villeneuve, comme le dit le président d’association dans notre entretien et dans les articles qu’il a publié, s’apparente à un village, où tout le monde se connaît.

Le jeudi 25 Novembre, nous sommes allés à la Villeneuve dans la matinée pour chercher les dernières personnes à interviewer. Après avoir demandé au collège, nous sommes allés à la maison de retraite du quartier où la directrice nous a dit qu’il fallait l’accord du CCAS pour interroger des retraités. Puis nous sommes retournés sur la place du marché où nous avons demandé une interview au buraliste. Celui-ci a accepté dans l’après midi. Enfin, nous nous sommes rendus à l’antenne de mairie et au centre social. Après nous être présenté auprès de la gardienne, celle-ci nous a redirigés vers le responsable du CCAS dans le quartier de la Villeneuve. Celui-ci nous a fortement déconseillé d’étudier la Villeneuve au motif que ce quartier était déjà « surexploité » par les sociologues et que les habitants en avaient assez d’être des « poissons rouges dans un bocal ». Il nous a toutefois donné des noms de responsables d’association à contacter.

 Il faut savoir que le jeudi matin se tient un marché un peu particulier à la Villeneuve, avec des vendeurs de djellaba, d’objets religieux et d’alimentation halal. La plupart des commerçants sur le quartier de l’Arlequin sont d’origine maghrébine et affirment leur identité (« pizzeria halal »  « bazar de Casablanca » etc.). Il semble donc que la notion de « commerce ethnique » existe ici.

Le jeudi après-midi, l’un d’entre nous va réaliser l’entretien avec le buraliste, outre le fait d’être une fois de plus confronté au phénomène « d’encliquage » en étant souvent pris pour un journaliste par les personnes qui passent au bureau de tabac, il apparaît aussi que les habitants de la Villeneuve ont des choses à dire, des choses sur le cœur suite à la vision que les médias donnent de leur quartier, comme le prouve l’empressement d’une sexagénaire à se joindre à l’entretien que nous réalisons avec le buraliste, comme si c’était un entretien destiné à être diffusé à grande échelle.

Après l’entretien, l’un d’entre nous se rend au collège, comme convenu avec la concierge le matin, pour rencontrer le proviseur, qui n’avait pu nous recevoir car il était occupé à réaliser une interview avec deux journalistes. Finalement, c’est  un adjoint qui se présente à nous et, devant l’attention médiatique portée au personnel éducatif, il décide de prendre de son temps pour répondre à notre demande. « L’entretien » a lieu dans son bureau. Cependant, il n’est pas possible de l’enregistrer puisqu’il faut une autorisation du rectorat pour de telles demandes. Un entretien de 40 minutes a toutefois lieu et de nombreux thèmes ont été abordés, nous avons pris des notes. En sortant du collège, un surveillant semble s’intéresser à notre démarche et vient discuter, après avoir appris quelques informations issues de son contact quotidien avec les jeunes, nous décidons de prendre son numéro pour réaliser un entretien avec lui par la suite. Malgré un emploi du temps chargé et après un rendez vous avorté, et quelques coups de téléphone l’un d’entre nous se rend à son domicile, après la fin des cours au collège à 17H, pour réaliser l’entretien le vendredi 25 novembre.

 Mardi 30 Novembre, l’un d’entre nous a rendez vous avec l’élue locale. Il n’a pas été simple d’obtenir cet entretien : après un échange de 6 mails, 4 coups de téléphones (on connait la musique du standard de la mairie de Grenoble par cœur), nous avons finalement obtenu un rendez-vous avant la mi-décembre (son agenda étant surchargé) d’autant plus qu’elle reçoit tous les étudiants de Sciences Po travaillant sur le même sujet comme les autres adjoints plus importants ont aussi un agenda très chargé et lui « refilent » les entretiens. Le 3 décembre, nous tentons de faire un entretien avec le coordinateur de régie de quartier mais celui-ci est très occupé et décide de remettre l’interview au lendemain à Alpexpo. Le lendemain, nous finissons par réaliser l’entretien sur le stand de l’association de son association à Alpexpo ».

Frédéric Gonthier