- Exercice sur l’analyse des entretiens (chapitre 4)

 

Une enquête qualitative, par entretiens semi-directifs auprès de la population d’une grande agglomération française, vient d’être réalisée concernant les pratiques de tri sélectif des déchets ménagers. Vous êtes chargé de l’analyse de ces entretiens.

Commencez par lire attentivement un extrait de l’un d’entre eux, puis :

1. Effectuez le codage thématique de cet extrait, dans une démarche inductive.

Vous le présenterez sous la forme d’un tableau.

2. Rédigez les grandes conclusions qui en découlent.

 

EXTRAIT :

Date : 06.12.2008 ; lieu : Domicile de l’enquêté ; durée : 52 minutes

« (E1) : Qu’est-ce que vous pensez du tri des déchets ménagers ?

(e1) : Je vois pas l’intérêt de trier si c’est pour pas en faire quelque chose. Et ce quelque chose à part recycler… je vois pas. Mais si euh ça peut faire partie des questions que je peux poser, que je veux poser. Pourquoi on trie ? Si besoin il y a. Donc à part recyclage ça m’évoque rien… Si ça m’évoque autre chose : contrainte

(E2) : Contrainte. Contrainte c’est-à-dire ?

(e2) : C’est-à-dire que trier est une contrainte. On va commencer très simplement : moi je ne trie pas mes déchets. Et typiquement j’ai eu l’occasion de vivre avec certaines personnes qui eux triaient leurs déchets, et ce que j’ai constaté, c’est que déjà il faut trois poubelles à la place d’une seule, et euh en plus c’est … enfin, même la personne en question qui triait qui est peut être plus écolo que moi euh… savait pas forcément comment répartir ses ordures ménagères. En tout cas il y a des cas où il y avait des doutes quoi. Donc c’est une contrainte.

(E3) : Donc vous vous ne triez pas ?

(e3) : Moi je ne trie pas, non, je ne trie pas du tout. Parce que pour moi c’est contraignant. Après j’ai d’autres raisons, qui sont que le euh… ramassage des ordures est quelque chose qui est facturé, d’accord. C’est payant. La ville fait payer le ramassage des ordures. Enfin à ma connaissance en tout cas. Et il me semble que c’est quelque chose qui a drastiquement augmenté c’est dernières années. Je suppose, en partie, peut-être à cause de justement du fait que ben trier c’est probablement beaucoup plus compliqué que ne pas trier, ça demande peut être des usines un peu plus spécialisées à la sortie, que ça demande peut être des … je sais pas plus de containers, plus de enfin plus de logistique au passage. Et euh j’ai une vague façon d’agir qui est qu’en général quand on paye plus cher un service, le service, enfin… j’ai pas forcément envie de me fatiguer moi pour quelque chose que je paye plus cher à faire faire quoi. Voilà tout ce que ça m’évoque. Mais sinon sur la thématique du triage, pourquoi, c’est le recyclage qui me viendrait en premier.

 (E4) : Parce que c’est contraignant et ça coute cher…

(e4) : Bah je sais pas si… je suppose qu’il y a un surcout supplémentaire derrière. Mais c’est surtout que moi à titre personnel quand on me fait payer le ramassage des ordures et qu’on me double le prix, j’attends qu’il y ait un service qui soit rendu. Pas qu’on me demande en plus moi de travailler pour ça.

(E5) : Et quels sont les enjeux du tri pour vous ?

(e5) : Ben si on recycle, on évite de consommer des ressources nouvelles. Donc limiter la consommation de ressources nouvelles. Par le biais du recyclage.

(E6) : Mais si par exemple dans notre société tout le monde triait parfaitement ses déchets, vous pensez que ça aurait un vrai impact sur la collectivité ?

(e6) : A si tout le monde à l’échelle de la planète, probablement.

(E7) : A l’échelle de la planète ?

(e7) : Et ouais. C’est tout ou rien. C’est-à-dire que ça sert à rien de se fatiguer si euh… Tu vois ce que c’est le protocole de Kyoto ? Tu vois que les deux plus gros pollueurs du monde ne l’appliquent pas ? Donc c’est inutile

(E8) : Donc les déchets c’est pareil… ?

(e8) : Donc soit tout le monde trie, partout sur terre, et on limite la consommation de ressources afférentes. Soit ça ne sert à rien de se fatiguer pour les autres. Cela dit là on quitte le domaine du tri pour rentrer dans des perspectives très personnelles sur la façon d’agir en termes de politique. »

Signalétique : Homme, 31 ans, informaticien, vit seul, sans enfant, locataire de son logement, agglomération grenobloise.

 

TABLEAU DES CATÉGORIES

Enquête 2008 sur le tri des déchets ménagers

Extrait1- homme-31a-célibataire-locataire

Opinion sur le tri

Sans intérêt : (e1) Je vois pas l’intérêt de trier si c’est pour pas en faire quelque chose
Contraignant : (e1) Si ça m’évoque autre chose : contrainte. (e2) C’est-à-dire que trier est une contrainte. (e2) ce que j’ai constaté, c’est que déjà il faut trois poubelles à la place d’une seule, et euh en plus c’est … enfin, même la personne en question qui triait qui est peut-être plus écolo que moi euh… savait pas forcément comment répartir ses ordures ménagères. En tout cas il y a des cas où il y avait des doutes quoi. Donc c’est une contrainte.
Difficile : (e2) c’est que déjà il faut trois poubelles à la place d’une seule, et euh en plus c’est … enfin, même la personne en question qui triait qui est peut-être plus écolo que moi euh… savait pas forcément comment répartir ses ordures ménagères. En tout cas il y a des cas où il y avait des doutes quoi.
Onéreux : (e3) le euh… ramassage des ordures est quelque chose qui est facturé, d’accord. C’est payant. La ville fait payer le ramassage des ordures. Enfin à ma connaissance en tout cas. Et il me semble que c’est quelque chose qui a drastiquement augmenté c’est dernières années. (e3) Je suppose, en partie, peut-être à cause de justement du fait que ben trier c’est probablement beaucoup plus compliqué que ne pas trier, ça demande peut être des usines un peu plus spécialisées à la sortie, que ça demande peut être des … je sais pas plus de containers, plus de enfin plus de logistique au passage. (e3) Et euh j’ai une vague façon d’agir qui est qu’en général quand on paye plus cher un service, le service
Fatiguant : (e3) j’ai pas forcément envie de me fatiguer moi pour quelque chose que je paye plus cher à faire faire quoi. Voilà tout ce que ça m’évoque.
Politique : (e8) Donc soit tout le monde trie, partout sur terre, et on limite la consommation de ressources afférentes. Soit ça ne sert à rien de se fatiguer pour les autres. Cela dit là on quitte le domaine du tri pour rentrer dans des perspectives très personnelles sur la façon d’agir en termes de politique.

Opinion sur le traitement des déchets ménagers

Recyclage mieux que le tri : (e1) Je vois pas l’intérêt de trier si c’est pour pas en faire quelque chose. Et ce quelque chose à part recycler… je vois pas. (e1) Pourquoi on trie ? Si besoin il y a. Donc à part recyclage ça m’évoque rien…(e3) Mais sinon sur la thématique du triage, pourquoi, c’est le recyclage qui me viendrait en premier. (e5) Ben si on recycle, on évite de consommer des ressources nouvelles. Donc limiter la consommation de ressources nouvelles. Par le biais du recyclage.
Le ramassage des ordures : (e4) moi à titre personnel quand on me fait payer le ramassage des ordures et qu’on me double le prix, j’attends qu’il y ait un service qui soit rendu. Pas qu’on me demande en plus moi de travailler pour ça.

Pratique du tri

Ne trie pas : (e2) On va commencer très simplement : moi je ne trie pas mes déchets. (e3) Moi je ne trie pas, non, je ne trie pas du tout. Parce que pour moi c’est contraignant.
Les trieurs : (e2) j’ai eu l’occasion de vivre avec certaines personnes qui eux triaient leurs déchets, et ce que j’ai constaté, c’est que déjà il faut trois poubelles à la place d’une seule, et euh en plus c’est … enfin, même la personne en question qui triait qui est peut-être plus écolo que moi euh… savait pas forcément comment répartir ses ordures ménagères. En tout cas il y a des cas où il y avait des doutes quoi.

Acteurs du tri

La ville : (e3) le euh… ramassage des ordures est quelque chose qui est facturé, d’accord. C’est payant. La ville fait payer le ramassage des ordures. Enfin à ma connaissance en tout cas. Et il me semble que c’est quelque chose qui a drastiquement augmenté c’est dernières années.
La planète : (e6) A si tout le monde à l’échelle de la planète, probablement. (e7) Et ouais. C’est tout ou rien. C’est-à-dire que ça sert à rien de se fatiguer si euh… Tu vois ce que c’est le protocole de Kyoto ? Tu vois que les deux plus gros pollueurs du monde ne l’appliquent pas ? Donc c’est inutile. (e8) Donc soit tout le monde trie, partout sur terre, et on limite la consommation de ressources afférentes. Soit ça ne sert à rien de se fatiguer pour les autres.

 

LES PRINCIPALES CONCLUSIONS :

- Un refus clair du tri sélectif. La consigne de départ porte très explicitement sur le tri sélectif des ordures ménagères et invite l’enquêté à donner son opinion sur le sujet. D’entrée de jeu, on comprend que le jeune homme d’une trentaine d’années, informaticien, célibataire, sans enfant et locataire de son logement a un point de vue assez négatif sur le tri sélectif des déchets ménagers. Il n’est pas concerné par cette pratique et dit très clairement qu’il ne trie pas. C’est un choix assumé.

- Les contraintes du tri sélectif. Pour lui, le tri est inutile, contraignant, fatiguant, compliqué et coûte cher. Il répète à plusieurs reprises que « trier est une contrainte » et qu’il ne voit pas « l’intérêt ». Il évoque les difficultés liées au geste même du tri (avoir plusieurs poubelles chez soi) et aux consignes à suivre (comment être sûr de répartir correctement les ordures dans les poubelles). Il explique également qu’à partir du moment où il contribue financièrement au ramassage des déchets (en en payant les taxes afférentes), il ne voit pas pourquoi il aurait lui à fournir un « service » qu’il paie déjà.

- Un rapport coûts-bénéfices défavorable aux trieurs. Sa position individualiste est assez peu atténuée par la vision qu’il a de l’utilité potentielle du tri à « l’échelle de la planète ». Certes, le tri – dès lors qu’il est pratiqué partout – peut « probablement » contribuer à améliorer la qualité environnementale de la planète mais l’enquêté reste très sceptique sur les intentions réelles des acteurs institutionnels restant les plus « gros pollueurs du monde ».

- Agir en amont plutôt qu’en aval. A défaut de valoriser le tri, l’enquêté porte un regard plus positif sur la pratique du recyclage et sur l’idée qu’un déchet peut contribuer à éviter de « consommer des ressources nouvelles ». Il insiste finalement beaucoup sur l’importance qu’il y a plutôt à « limiter la consommation de ressources nouvelles ».

Stéphanie Abrial et Séverine Louvel